[TERMINE] Je peux te demander un service ? | Kwon Yeo Jin & Lee Duck Hwan

135, 136, 137, …

Yeo Jin longeait le couloir, les numéros des salles défilant sous ses yeux. Elle finit par arriver devant la salle 141, où elle se planta soudainement, puis releva sa manche pour jeter un œil à sa montre. Elle n’était pas en retard, et avait même quelques minutes d’avance. Elle lâcha un soupir, en espérant trouver la personne qu’elle cherche. Lee Duck Hwan.

Lorsque son ordinateur avait commencé à dérailler la semaine dernière, Yeo Jin s’était retrouvée bien embêtée pour travailler ses cours. D’autant plus que cet ordinateur portable lui avait été offert par ses parents, et qu’elle n’avait enregistré ses précieux documents nulle part ailleurs. Elle avait tenté de le rapporter en boutique avec la facture, mais malheureusement pour elle, la date de garantie était dépassée. Elle s’était alors tournée vers un magasin spécialisé, mais même des « experts » – comme les employés aimaient se faire appeler – avaient été incapables de faire quoi que ce soit pour sauver son appareil.

Alors, quitte à tenter le tout pour le tout, elle voulut tenter autour d’elle, à commencer par son université. Elle s’était d’abord renseignée auprès de sa classe et avait demandé si ses camarades connaissaient quelqu’un de suffisamment doué en informatique pour jeter un œil à son ordinateur.

C’est par le biais d’un réseau compliqué d’amis et de famille – « je connais une amie dont le cousin a un ami qui est étudiant au département d’informatique ! » – qu’elle finit par trouver la perle rare ; ou presque.

En réalité, l’ami du cousin de l’ami en question ne l’aida guère plus. Lorsqu’elle l’avait rencontré ce matin même, il retourna l’ordinateur maintes et maintes fois avant de conclure :

« Hm … Je ne m’y connais pas trop sur ce type d’ordinateur. (Il réfléchit un instant et esquissa un petit sourire en coin que Yeo Jin ne comprit pas) Je connais un gars qui pourrait t’aider. Il s’appelle Lee Duck Hwan, c’est un p’tit génie, surtout quand il s’agit de trafiquer les ordis’. Il a l’air un peu perdu comme ça mais il est gentil. »


Il l’informa qu’elle pourrait le trouver à la sortie de son cours en salle 141 du département info’, comme les étudiants l’appelaient vulgairement, le soir même à 18h précise.

Alors voilà qu’elle attendait devant la salle en question, et qu’il était déjà … 18h06.

Yeo Jin priait pour qu’on ne lui ait pas fait de farce quand la porte s’ouvrit brusquement. Une jeune fille sortit d’abord, suivie par un jeune homme. Elle jeta un œil à sa télécommande qui lui indiqua un nom inconnu.

Elle soupira d’impatience, quand un autre garçon sortit à son tour. Un type avec l’air perdu, caché derrière ses lunettes, cela devait être lui. Un coup d’œil furtif à sa télécommande le lui confirma. Elle sourit, tentant de mettre toutes les chances de son côté pour obtenir son aide, avant de s’approcher de lui :

« Lee Duck Hwan ? »

Duck Hwan bailla à s’en décrocher la mâchoire. Au fond de sa salle de classe, comme à son habitude pour ne pas se faire remarquer, il regardait inlassablement s’écouler les dernières et ô combien interminables minutes qui le séparaient encore de la délivrance. Il avait beau être en cursus informatique – son seul et unique domaine d’expertise – il fallait qu’il assiste à des cours additionnels qui apparemment comptaient aussi dans sa moyenne du semestre. Et pourtant, en quoi est-ce qu’un cours sur l’histoire de la Sunrise Corporation pouvait bien lui être utile, hein ? Certes, l’entreprise était un des principaux partenaires de la section informatique de l’université dans laquelle il étudiait. Et pour cause : elle espérait bien pouvoir recruter de nouveaux collaborateurs fraîchement diplômés afin de grossir ses effectifs et compter parmi ses rangs de jeunes « prodiges » qui développeraient assez tôt de nouveaux logiciels.

Mais Duck Hwan, lui s’en fichait. Qu’importait qu’il devienne un informaticien renommé ou non : tout ce qu’il souhaitait, c’était mener une vie bien tranquille, sans avoir de problème avec le Système. C’était bien pour ça que ces derniers temps, il avait tenté de nouvelles expériences. Lui qui parvenait tant bien que mal à se focaliser en cours, c’était d’une étonnante concentration dont il faisait preuve quand il devait se plonger dans le décryptage de codes informatiques. Et tout le Système de la Sunrise Corp. lui donnait bien du fil à retordre mais c’était bien le seul défi qu’il relevait avec, dans ses yeux, cette petite lueur qui témoignait de son excitation.
Selon les rumeurs, il n’y avait qu’une seule personne qui était parvenue à faire tomber les barrières de sécurité virtuelles de Sunrise, et il se faisait appeler Phantom. Et bien évidemment, personne ne l’avait jamais rencontré et ne pouvait prouver son existence. Mais ce n’était pas impossible, pas vrai ? Et si Phantom n’existait pas, hé bien ! Foi de Ducky, c’était lui qui le deviendrait. Parce que, honnêtement, avoir le contrôle sur ceux qui justement avaient le pouvoir en ce monde, ce serait le pied.

Mais bon…

L’autre jour, il avait bien essayé quelque chose. Seulement, cela s’était soldé par un échec cuisant. Totalement. Duck Hwan avait voulu modifier virtuellement sa propre note, ne serait-ce que d’un petit point. Juste pour voir s’il pouvait avoir facilement la main sur le logiciel de notation. Mais il fallait qu’il se l’admette : il n’était encore qu’un novice en la matière. Et pour le coup, il avait obtenu l’effet inverse et fait chuter sa note de 0,3 points. Ce fut pourquoi il avait décidé désormais de tenter ses expériences uniquement sur des cobayes autres que sa propre personne. Sa colocataire en faisait les frais, notamment. Le peu d’amis qu’il avait étaient aussi passés à la casserole et ils le lui avaient bien rendu en le notant salement chacun leur tour. D’ailleurs, ces derniers temps, il avait l’impression qu’ils l’évitaient…

La sonnerie qui retentit soudainement l’extirpa de ses pensées et, pareil à des montagnes russes, sa joie se transforma en déception quand le professeur demanda à ce qu’on lui accorde encore quelques minutes pour finir son chapitre et donner les devoirs pour la semaine suivante. Ce ne fut qu’à 18h06 précisément qu’il consentit à relâcher les fauves qui ne tenaient plus en place. Enfin, quand je dis « fauves »… Puisque tout le monde plus ou moins voulait s’intégrer dans l’idéal de société imposé par la Sunrise Corp., personne ne contestait le fait de rester plus longtemps en cours. Tout le monde faisait en sorte de bien se tenir pour ne pas que leur professeur leur attribue une mauvaise note – en plus de celles qui comptaient pour le cadre scolaire !

Quand il franchit enfin la porte d’un pas traînant, Duck Hwan soupira de soulagement en songeant au délicieux plat préparé de sa mère qu’il allait faire réchauffer en rentrant chez lui. Seulement, le sort en avait décidé autrement.

« Lee Duck Hwan ? »

Intrigué, il se tourna vers cette voix inconnue qui venait de l’appeler. C’était une fille plutôt mignonne – très, même – qu’il ne connaissait pas et qu’il ne pensait pas avoir déjà croisée dans les couloirs de l’université.
Aussitôt, un tas de questions surgirent dans son esprit : qui était-elle, que lui voulait-elle, comment connaissait-elle son nom, était-il bien coiffé, avait-elle un petit copain, et pour combien de temps en aurait-elle car quand est-ce qu’il pourrait manger ?
Les regards amusés de ses camarades le mirent un instant mal à l’aise, aussi attendit-il un bref instant qu’ils s’en aillent avant de répondre :

« Euh, oui ? J-je suis Lee Duck Hwan. C’est moi. Lee Duck Hwan. »

Il s’exaspérait lui-même de se montrer aussi empoté, aussi s’éclaircit-il doucement la gorge avant de reprendre :

« Et tu es ? »

Il aurait très bien pu connaître la réponse à cette question s’il avait jeté un coup d’œil à sa télécommande, mais à vrai dire qu’elle se trouvait quelque part au fond de son sac bordélique et il avait comme qui dirait la flemme de fouiller dedans.

Lee Duck Hwan n’avait pas seulement l’air d’une personne constamment perdu. Il l’était réellement.

Il avait sondé Yeo Jin de la tête aux pieds, si bien qu’elle le trouva un court instant malpoli. Mais au vu de son regard confus, elle comprit vite qu’il était juste … perdu.

Elle avait très bien remarqué les regards amusés de ses camarades de classe ; il ne devait peut-être pas être habitué à parler aux filles ?

Lorsqu’ils furent à bonne distance, il lui répondit enfin :

« Euh, oui ? J-je suis Lee Duck Hwan. C’est moi. Lee Duck Hwan. »

Réponse qui inquiéta légèrement Yeo Jin. Il n’avait même pas l’air d’être sûr de son nom, alors comment pourrait-il l’aider à sauver son ordinateur ?

Pourtant, elle ne put réprimer un petit sourire. Il est chou, pensa-t-elle. Certes, il n’était pas forcément beau. Avec ses lunettes qui lui tombait sur le nez, il avait tout l’air du stéréotype du geek boutonneux, sauf pour ce qui était des boutons : sa peau semblait si douce que Yeo Jin en vint presque à l’envier. Elle qui passait tellement de temps à prendre soin de sa peau, alors que lui ne devait sûrement même pas savoir ce qu’est un tonifiant.

Même s’il n’était pas forcément « beau gosse », Lee Duck Hwan était loin d’avoir un visage disgracieux. Il faisait jeune, et son air perdu lui donnait l’air d’un cocker malheureux que l’on viendrait de priver de son repas.

Peut-être était-ce le cas ? Peut-être qu’il avait l’intention d’aller manger ? Peut-être habitait-il loin et que l’embêter à ce moment-là ne faisait que repousser l’heure à laquelle il allait pouvoir rentrer ?

Yeo Jin fut tirée de ses pensées par un raclement de gorge. Le cocker semblait avoir repris un peu contenance :

« Et tu es ? »

Il n'avait pas daigné regarder sa télécommande. Non, il avait préféré lui demander directement, ce qui la surprit légèrement. Ce genre de comportement se faisait rare, et dans un premier temps, Yeo Jin ne put réprimer la méprise qu'elle éprouva. La négligence de la télécommande était bien souvent le premier signe d'une personne qui se fichait bien du système.
Mais elle y réfléchit une deuxième fois. Ses parents lui avaient peut-être appris qu'il était plus poli de s'adresser directement à une personne pour lui demander son nom, sans forcément dénigrer la télécommande ? Cela expliquerait également le fait qu'il n'ait pas une si mauvaise note que ça. Mais dans ce cas, il devait sûrement trouver que c'était elle, la malpolie, à ne pas s'être présentée en premier lieu.
A moins que ce ne soit juste par simple flegme de regarder sur sa machine ?

« - Oui, pardon, je ne me suis pas présentée. Je suis Kwon Yeo Jin, enchantée. »

Elle se gratta la tempe un instant, espérant ne pas avoir fait mauvaise impression, et gênée de le déranger à cette heure-là. Mais elle avait vraiment besoin de son ordinateur, et maintenant qu’elle était ici, elle n’allait pas rebrousser chemin. Le pauvre Duck Hwan serait encore plus confus.

« En fait, je me demandais si tu pouvais me rendre un petit service. Mon ordinateur ne marche plus depuis la semaine dernière, et j’en ai vraiment besoin. J’ai essayé d’aller voir dans plusieurs magasins, mais personne n’a rien pu faire. Et à l’université, on m’a parlé de toi, alors je m’étais dit que peut-être tu pourrais faire quelque chose … »

Yeo Jin n’avait pas l’habitude de demander de l’aide, et s’en sortait très bien toute seule habituellement. En fait, c’était plutôt elle qui aidait. Même si son esprit de compétition la faisait toujours hésiter – sûrement de peur qu’on finisse par mieux réussir qu’elle – elle ne pouvait jamais refuser bien longtemps si on lui demandait gentiment. Et puis, cela faisait toujours quelques points en plus sur sa note.

Elle sembla d’ailleurs se rappeler de quelque chose, et ajouta :

« Oh et bien sûr, je peux t’aider en retour aussi … Autrement que par une note, je veux dire. Si tu as besoin d’aide pour une matière par exemple, ou si tu as juste besoin qu’on te rende un service, tu peux me demander … A moins que tu ne préfères que je te paye ? »

Quand il lui avait demandé son nom en retour, Duck Hwan avait cru remarquer un léger froncement de sourcils de la part de son interlocutrice. Cela n'avait duré qu'un très court instant avant qu'elle ne se reprenne, mais pour quelqu'un qui habituellement ne prenait pas garde aux choses qui l'entouraient c'était une mimique qui n'était pas passé inaperçue. D'ordinaire il se fichait un peu de ce que les autres pouvaient bien penser de lui. Depuis son enfance, il avait entendu des mots déplaisants mais au fil du temps il avait appris à tout laisser glisser sur son plumage. D'ailleurs, c'était aussi en ça que son surnom "Ducky" lui convenait à merveille. Il était comme un canard insouciant qui se laissait emporter par le courant et restait indifférent aux intempéries qui lui tombaient dessus.

Donc, Lee Duck Hwan se fichait habituellement de ce qui se disait à son sujet. Mais - car il y a forcément une exception à la règle - si l'image qu'il renvoyait devait se refléter dans les yeux d'une jolie fille, alors c'était une toute autre affaire. Avait-il été grossier de lui demander directement son nom plutôt que de se renseigner en jetant un coup d'oeil à sa télécommande ? Ou bien l'avait-elle juste trouvé empoté dans sa façon de se présenter ?

« Oui, pardon, je ne me suis pas présentée. Je suis Kwon Yeo Jin, enchantée. »

Kwon Yeo Jin. Maintenant, il connaissait son nom et il se le répéta plusieurs fois mentalement afin de ne pas l'oublier. Parce que oui, il était terrible quand il s'agissait de se souvenir du nom de quelqu'un, même s'il venait de l'entendre la seconde précédente.

« E-enchanté. » Répondit-il timidement en se courbant légèrement pour marquer sa politesse.

Quand il avait incliné sa tête, ses lunettes lui étaient tombées sur le bout de son nez, aussi les rehaussa-t-il quand il se redressa et se mit-il à écouter les explications de Yeo Jin quant à sa présence en ces lieux. Apparemment, quelqu'un lui aurait recommandé ses services pour réparer son ordinateur qui était tombé en panne. Duck Hwan eut un instant de réflexion pendant lequel il s'interrogea sur qui avait bien pu lui soumettre une idée pareille. Il était loin d'être un expert en réparation, d'ailleurs il n'avait jamais eu à le faire jusqu'à maintenant. Son domaine à lui, c'était plutôt le hackage, quoi que ses camarades et malheureuses victimes n'en diraient pas autant... S'il devait être célèbre pour quelque chose, c'était bien pour ses expériences désastreuses.

Peut-être que la personne qui avait donné son nom à Yeo Jin voulait juste lui faire une plaisanterie ? Mais comment une fille aussi mignonne qu'elle pouvait devenir la cible d'étudiants méchants et mal-intentionnés ? C'était triste pour elle... Mais c'était une aubaine pour lui : le destin mettait sur sa route une fille aussi charmante, et il était grand temps de saisir sa chance !

Enfin, pas tout de suite. Pas maintenant, non : il n'était pas prêt. Et il n'oserait jamais. Rien que le fait de s'imaginer vivre une telle situation le rendait nerveux, si bien qu'il sentit le sang affluer et teindre ses joues d'une nuance rosée.

« Oh et bien sûr, je peux t’aider en retour aussi … Autrement que par une note, je veux dire. Si tu as besoin d’aide pour une matière par exemple, ou si tu as juste besoin qu’on te rende un service, tu peux me demander … A moins que tu ne préfères que je te paye ? »

Le payer ? Avant de faire une telle proposition, elle ferait mieux de s'assurer qu'il était capable de lui rendre ce service. Et même si elle lui proposait gentiment son aide pour une matière scolaire, c'était peine perdue : il était un cas désespéré et un élève terrible qui était incapable de rester concentré plus de dix secondes.

« J'ai besoin de rien, déclara-t-il en haussant les épaules d'un air qui se voulait nonchalant et détaché. Mais je peux quand même essayer de t'aider, si tu veux... »

En réalité, il n'allait pas juste essayer : il allait tout donner. Son maximum. Parce qu'au final, peut-être que s'il parvenait - par un quelconque miracle - à réparer son ordinateur, Yeo Jin tomberait follement amoureuse de lui et qu'ils se marieraient et auraient beaucoup d'enfants.

En revanche, s'il échouait, il pourrait dire adieu à ses divagations et aux quelques points qui le maintenaient encore dans la ligne au-dessus des 3 sur 5...

« Y a tout le matériel qu'il faut au labo de physique, je vais voir c'que j'peux faire. »

Duck Hwan espérait juste que Yeo Jin lui laisserait simplement son ordinateur et s'en irait ensuite. Parce qu'en réalité, si elle insistait pour rester pendant qu'il le réparait, il ne pourrait pas prétendre bien longtemps s'y connaître en réparations... Il avait d'ailleurs déjà échafaudé un plan qui le conduirait à aller emprunter un livre à la bibliothèque pour mettre toutes les chances de son côté. Ou alors, puisqu'il connaissait vraiment quelqu'un qui était un expert dans ce domaine, il pourrait lui demander ses services et faire comme si tout le mérite lui revenait.

La réponse timide et la courbette qu’elle avait obtenu suite à sa présentation tirèrent un nouveau un sourire Yeo Jin. Il était vraiment adorable.

Duck Hwan avait de nouveau eu cet air confus lorsqu’elle lui avait expliqué la raison de sa venue. Peut-être n’avait-elle pas été claire dans ses explications ? Ou peut-être n’était-il pas l’homme de la situation, celui qui pourrait l’aider à résoudre son problème ? Yeo Jin n’avait de toute façon pas d’autres choix : elle avait tout fait, tout essayé pour réparer son ordinateur, et il était sa dernière chance.

Les joues du garçon avaient même fini par s’empourprer, et Yeo Jin n’en comprit pas la raison. Se pourrait-il … Qu’elle lui plaise ?
Evidemment, cela la flatterait, de plaire à un garçon dès la première rencontre. Mais Lee Duck Hwan pouvait difficilement avoir sa chance avec elle. Elle avait beau le trouver mignon, son coeur n'était plus à prendre, et ses parents l'avaient déjà promise à quelqu'un d'autre de toute façon. Alors la relation qu'elle pourrait avoir avec le cocker ne dépasserait simplement pas le stade de l'amitié.

« J'ai besoin de rien. Mais je peux quand même essayer de t'aider, si tu veux... » haussa-t-il les épaules.

Yeo Jin se détendit un peu. Duck Hwan ne semblait pas lui porter plus d’intérêt que cela finalement, et c’était tant mieux. Elle n'aurait pas à lui expliquer qu'entre lui et elle, cela ne marcherait pas, et trouver tout un tas d'excuses pour ne pas être trop brutale et ne pas le blesser.

Elle se refusa tout de même de l’écouter, et se promit de l’aider s’il en avait besoin. Ce garçon était beaucoup trop gentil pour qu’elle ne lui donne rien en retour. Tiens, elle pourrait même essayer de le caser avec une fille si c'est ce qu'il cherchait.

« Y a tout le matériel qu'il faut au labo de physique, je vais voir c'que j'peux faire. »

Elle hocha la tête. Même si elle n’avait aucune idée du matériel nécessaire pour réparer son appareil, il devait avoir raison ; après tout, les labos de l’université étaient plutôt bien équipés, et peu importe ce dont il avait besoin, il le trouverait très probablement là-bas.

Pourtant, il ne bougea pas. Il semblait attendre quelque chose, comme s’il voulait … Qu’elle s’en aille ? Yeo Jin n’avait cependant pas l’intention de partir sans son ordinateur : certes, Duck Hwan était gentil et généreux de lui offrir son aide sans rien demander en retour, mais elle n’allait tout de même pas lui accorder une confiance aveugle et lui laisser son ordinateur. S’il arrivait à lui réparer, il pourrait tout à fait fouiller dans ses dossiers, et même si elle n’avait pas grand-chose à cacher, elle ne voulait bien évidemment pas que l’on fouine dans ses affaires.

« Bon, et bien … Allons-y alors ! »

Yeo Jin était déjà venue plusieurs fois au labo' de physique pour y chercher du matériel pour ses professeurs, si bien qu’elle n’eut pas trop de mal à se souvenir de la direction à prendre pour le rejoindre. A cette heure-ci, les cours se faisaient plus rares et peu de salles étaient prises, et heureusement pour eux - ou surtout, pour elle - le labo de physique était également libre. Même si elle était déjà venue ici, elle n'était pas non plus familière avec l'environnement et chercha à tâtons l'interrupteur quelques secondes. Lorsqu'elle le trouve enfin, le néon émit d'abord un grésillement peu rassurant, avant d'éclairer d'une faible lumière. Si le laboratoire était effectivement bien équipé en matériel, on ne pouvait pas en dire autant de l'éclairage.

Yeo Jin s'approcha d'une des tables pour s'y installer. Elle sortit l’ordinateur de sa pochette, l’ouvrit, et après avoir vérifié que Duck Hwan l’écoutait, elle lui expliqua :

« Alors voilà, quand je le démarre, il marche très bien, mais c’est au moment de me connecter que ça coince. Ça m’affiche cette page pleine de codes étranges. »

Elle désigna l’appareil avec une moue exaspérée. Combien de fois avait-elle vu ces lettres et chiffres blancs sur fond bleu, maintenant ?

L'espoir que Yeo Jin lui remette simplement son ordinateur et le laisse se dépatouiller seul avait vite volé en éclats. Heureusement qu'elle avait tourné le dos en s'exclamant « Allons-y alors ! » sinon elle aurait pu voir le visage de Duck Hwan se décomposer sous la panique. Réparer un ordinateur ? Il ne l'avait encore jamais fait. Enfin, en théorie, il avait déjà eu des cours qui avaient nécessité de démonter un ordinateur pour apprendre le nom des composants et apprendre comment ils étaient liés entre eux et quelle était leur fonction. Et c'était bien un des seuls sujets qui, puisqu'il l'intéressait, s'était bien imprimé dans sa mémoire. Avec un peu de chance, il n'en oublierait pas le moindre détail. Mais bon, cela signifiait aussi qu'il n'aurait plus la place de stocker d'autres informations dans sa cervelle très vite saturée...

Il finit par lui emboîter le pas et la suivre dans les couloirs de la section informatique. Ne devrait-il pas être celui qui menait la marche, car le plus habitué des lieux ? C'était lui qui avait suggéré la salle de physique, et Yeo Jin qui les guidait tous les deux jusque là. La situation était assez incongrue.

Quand ils arrivèrent à destination, l'endroit était désert et plongé dans le noir. Ce devait être une des rares salles de l'université qui ne disposait pas de fenêtres et donc de source lumineuse naturelle. Quand la jeune femme appuya sur l'interrupteur, le grésillement du néon n'augura rien de bon. Il y avait comme une atmosphère de film d'horreur qui se dégageait de la salle, et même s'il se trouvait en présence d'une jolie fille, c'était bien loin de rassurer le pauvre Duck Hwan.

Yeo Jin posa son ordinateur sur une des tables et lui expliqua finalement quel était le problème.

« Alors voilà, quand je le démarre, il marche très bien, mais c’est au moment de me connecter que ça coince. Ça m’affiche cette page pleine de codes étranges. »

Ainsi, ce n'était pas un problème technique qui demandait de démonter l'appareil, non : c'était un problème de virus qui avait causé une infection et l'empêchait de se connecter. De nombreuses lignes de codes s'affichaient sur l'écran dans un motif répétitif, et comprenant qu'il pouvait effectivement être utile, Duck Hwan reprit confiance. En fait, une lueur de passion prit vie dans son regard et un air étrangement sérieux dépeignit les traits de son visage. Il se posa devant l'écran et regarda plus attentivement quel était le problème.

Ca y est. C'était tout ce qu'il adorait, et c'était bien la seule chose qui pouvait le plonger dans une concentration inébranlable. Il pianota sur le clavier et d'autres fenêtres s'affichèrent sur l'écran, dans lesquelles il inscrivait lui aussi de nouvelles lignes de codes. Le même manège se poursuivit pendant de longues minutes durant lesquelles il ne dit pas un mot. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il était devenu aussi silencieux. Bon, il n'était pas un grand bavard en temps normal, surtout pas avec des gens qu'il connaissait à peine. Mais quand il aperçut dans l'écran le reflet de Yeo Jin, il se reprit et annonça :

« Quelqu'un a essayé de cracker ton ordinateur, pour avoir ton mot de passe. Mais il était pas très doué. »

Il rehaussa ses lunettes sur son nez et continua à taper ses codes pour se débarrasser du virus.

« D'ailleurs, tu devrais le changer : il est pas très sécurisé. »

Et alors qu'il était sur le point d'achever son nettoyage, la porte de la salle de physique se referma soudainement sous les rires gras de gens qu'il reconnaissait comme étant ses camarades de classe. L'onde causée par le claquement de la porte se répercuta sur le néon, qui ne tarda pas à les lâcher après avoir faiblement clignoté pendant quelques secondes.

Désormais, seule la lumière bleue de l'ordinateur leur permettait de ne pas se retrouver totalement plongés dans le noir. Mais cela ne suffit pas à rassurer le Duck Hwan. La bulle dans laquelle il s'était réfugié pendant quelques minutes venait d'éclater, et il retourna instantanément dans la peau du pauvre étudiant éternellement perdu et désemparé.

Lorsqu’elle eut fini de lui expliquer son problème, l’expression de Duck Hwan changea du tout au tout. Elle avait très bien remarqué comment elle avait tout de suite retenu son attention lorsqu’elle avait mentionné la page remplie de codes. Le jeune garçon aux lunettes rondes « qui avait l’air tout le temps perdu » était alors devenu un homme passionné et même passionnant.

Il s’était mis à taper machinalement sur le clavier, son regard suivant les lignes de codes et ne lâchant même pas une seconde l’écran des yeux. Ses doigts pianotaient à un rythme impressionnant, comme Chopin avait pu le faire autrefois. De nouvelles fenêtres s’étaient ouvertes sur l’écran et se remplissaient rapidement de nouvelles lignes de codes. C’était un langage qui était tout à fait inconnu pour Yeo Jin, une langue remplie de chiffres et de symboles. Sa curiosité, qui l’aurait habituellement poussé à se renseigner sur son fonctionnement, ou sur comment il avait pu apprendre tout ça, resta cette fois muette. Le jeune homme était tellement absorbé par ce qu’il faisait qu’elle n’osa le déranger.

Elle se permit de l’observer un instant : était-il toujours le même garçon qu’elle avait rencontré il y a quelques minutes de cela ? Il semblait tellement différent. Bien plus confiant, bien plus sérieux, bien plus … intéressant. Le cocker était devenu, en l’espace d’une seconde, un grand et fringuant golden retriever.

« Quelqu'un a essayé de cracker ton ordinateur, pour avoir ton mot de passe. Mais il était pas très doué. »

Yeo Jin fut tiré de ses pensées par sa voix, qui était elle aussi différente. Était-il au courant qu’elle devenait bien plus grave lorsqu’il était concentré ?

Il remonta ses lunettes sur son nez, geste qui ne sembla même pas perturber le rythme effréné de ses doigts sur le clavier. Elle n’osa rien dire une nouvelle fois, même si elle aurait voulu lui demander pour quelles raisons quelqu’un aurait cherché à hacker son ordinateur. Elle. Comme si ce qu’elle avait là-dedans était secret défense.

Elle se surprit à l’admirer à nouveau. Non pas pour son brutal changement cette fois, mais pour son talent. Ce garçon avait de l’or dans les mains quand il s’agissait d’informatique. Yeo Jin avait toujours trouvé les hackers et les codeurs talentueux. Elle qui les imaginait mystérieux et intriguant comme elle pouvait le voir dans les films, elle ne fut pas déçue avec Duck Hwan : il était exactement pareil.

« D'ailleurs, tu devrais le changer : il est pas très sécurisé. »

Elle grimaça. Bon, c’est vrai qu’elle ne s’était pas beaucoup foulée, mais au moins elle le retenait. Cela l’agaçait tout de même de savoir que quelqu’un avait cherché à fouiller dans affaires. Elle n’avait rien d’important à cacher, certes, mais ce n’était pas une raison pour fouiner. Heureusement pour elle, elle était tombée sur quelqu’un qui allait tout arranger.

Elle allait enfin oser complimenter ses talents mais fut interrompue dans son élan par le bruit sourd de la porte qui claqua, suivi d’éclats de rire. Yeo Jin eut à peine le temps d’hausser un sourcil de dédain que le néon clignota et s’éteignit soudainement.

C’était tellement cliché qu’elle eut envie d’en rire. Mais se retrouver enfermée dans une petite salle avec un garçon qu’elle connaissait à peine et avec pour seule lumière l’écran bleue de son ordinateur lui donna tout sauf envie de s’esclaffer.

Elle jeta un œil à Duck Hwan et comprit rapidement que, maintenant qu’il n’était plus concentré sur le codage de son ordinateur, il était redevenu celui qu’elle avait rencontré au tout début. Ce n’était plus le hacker mystérieux qui se tenait devant elle mais le cocker timide. Il ne fallait donc très probablement pas compter sur lui pour ce genre de situation.

« Bon. On est coincés ici, j’imagine. »

Elle jeta un œil autour d’elle : des étagères s’étalaient le long des murs avec sur certaines des livres et sur d’autres des caisses, sûrement remplies de matériel. Dans un labo’ de physique, elle devrait bien trouver une lampe ou quelque chose de ce genre, non ?

Elle s’en approcha et tira une première caisse pour y jeter un œil. Elle la remua et chercha quelque chose qui, si cela n’allait pas ouvrir la porte, pourrait au moins éclairer un peu la pièce. Tout en fouillant, et pour détendre un peu l’atmosphère devenue étrange, elle lança:

« Tu sais, c’était vraiment impressionnant ce que tu faisais avec cet ordinateur. Personne n’a réussi à en faire quoi que ce soit mais toi, tu as tout de suite su où était le problème. C’était vraiment cool. »

Elle avait relevé la tête en prononçant la fin de sa phrase pour lui adresser un sourire sincère. Ce qui était stupide, en réalité, puisqu’il ne pouvait probablement pas la voir dans la pénombre. Mais elle voulait juste qu’il ne soit pas gêné ou intimidé par elle, ou que l’ambiance ne devienne vraiment trop pesante.

Au bout de quelques secondes de silence, après avoir réalisé la situation dans laquelle ils se trouvaient, Yeo Jin avait fini par déclarer :

« Bon. On est coincés ici, j’imagine. »

Et cette phrase sonna comme un gong qui venait d'annoncer une sentence. Ce fut seulement à ce moment-là que Duck Hwan saisit entièrement l'ampleur de la situation. Il était coincé dans le noir avec une fille mignonne qu'il venait à peine de rencontrer. Bon, ce n'était pas exactement la pénombre totale, mais le principe était le même. Lui à qui il était arrivé plein de mésaventures toutes plus étranges et improbables les unes que les autres, c'était bien la pire selon ses critères. Dans quel scénario loufoque et digne d'un shôjô avait-il atterri cette fois ?

Pendant qu'il était en train de tergiverser et de se lamenter sur son sort, Yeo Jin avait entrepris de se mettre à la recherche de quelque chose qui permettrait d'obtenir déjà plus de lumière. Elle s'était mise à fouiller les étagères et à regarder à l'intérieur des cartons qui étaient posés dessus. Pour ne pas être en reste et donner l'impression de ne pas y mettre du sien, Duck Hwan avait décidé de l'imiter et chercha de son côté.

Au bout de quelques instants, la voix de la jeune femme finit par briser le silence pour annoncer :

« Tu sais, c’était vraiment impressionnant ce que tu faisais avec cet ordinateur. Personne n’a réussi à en faire quoi que ce soit mais toi, tu as tout de suite su où était le problème. C’était vraiment cool. »

Un compliment. Yeo Jin venait de lui faire un compliment, et il ne savait plus où se mettre. Heureusement qu'il faisait sombre, sinon elle aurait pu profiter une nouvelle fois de la teinte vermeille qui s'était emparée de ses joues. Le pauvre n'était pas un habitué des compliments, d'ordinaire il était plutôt victime de moqueries. Les gens aimaient bien le charrier mais ce n'était jamais bien méchant. Disons qu'il était le type qu'on aimait bien bousculer un peu pour faire rire l'assemblée.

« Euh... M-merci ? »

Que pouvait-il dire d'autre ? Il n'était pas du genre à se vanter, d'ailleurs cela ne lui viendrait même pas à l'esprit de se mettre en valeur même pour impressionner une fille. Mais pour une fois, il pouvait bien tenter quelque chose, non ?

« T'inquiète pas pour ton ordinateur. C'est réparé, et tes fichiers sont sauvés aussi. »

En continuant de farfouiller dans un des cartons, Duck Hwan finit par tomber sur des composants qui pourraient bien servir à fabriquer un semblant de source lumineuse. Il venait de mettre la main sur une mine d'or, un carton entier rempli de résistances, de LED et de circuits imprimés. Il n'y avait plus qu'à trouver une batterie ou du moins une source d'énergie pour faire fonctionner tout ça, et le tour était joué. En poussant ses recherches, il trouva ce qu'il convoitait sur étagère voisine.

Duck Hwan se rapprocha de l'ordinateur pour profiter de la lumière d'infortune qu'il émettait. Après avoir placé suffisamment de LED sur le circuit et tout autant de résistances, il relia le tout à la source et après deux ou trois bidouillages supplémentaires il finit par faire fonctionner un premier carré de loupiotes. Il se hâta donc d'en créer un deuxième, ainsi que d'autres qu'il plaça à plusieurs endroits différents de la salle de physique.

« C'est pas grand-chose mais on y voit un peu mieux. Ça fait ambiance de Noël ! »

Cela faisait plutôt ambiance de film d'horreur avec une lumière étrange, mais un rien suffisait à le rendre admiratif. Il resta assis sur la chaise en face de l'ordinateur et remarqua que le wifi était indisponible. De toute façon, la salle n'en avait jamais été équipée et se trouvait trop loin du routeur le plus proche. Avec un peu de chance, des gens passeraient dans le couloir et ils pourraient les interpeller pour leur demander de l'aide.

En attendant, peut-être pourraient-ils en profiter pour faire plus ample connaissance. Mais maladroit comme il était, Duck Hwan ne savait pas comment engager la discussion.

« Tu es étudiante ? Tu étudies quoi ? »

C'était tout ce qu'il avait pu trouver pour le moment, mais c'était déjà un début. Au moins, il n'avait rien dit de trop bizarre ou stupide. Pas encore.

Si Yeo Jin avait voulu détendre l’atmosphère, et bien c’était raté. Le pauvre garçon était devenu tout gêné suite à son compliment, ce qui n’arrangea guère l’étrangeté des circonstances. S’il était difficile de discerner quoi que ce soit dans cette pénombre, elle jura presque qu’elle avait vu les joues du garçon s’empourprer.

« Euh … M-merci ? »

Il n’avait même pas l’air de la croire, mais elle ne se voyait pas insister et rendre les choses encore plus gênantes. Aussi retourna-t-elle à son inspection, passant à un autre carton, le premier n’ayant visiblement rien à offrir d’intéressant. Duck Hwan avait également commencé à chercher de son côté.

« T'inquiète pas pour ton ordinateur. C'est réparé, et tes fichiers sont sauvés aussi. »

Elle lâcha un petit rire de soulagement. Il avait réussi à régler en moins de 10 minutes ce que des professionnels n’avaient même pas réussi à comprendre. Et cela gratuitement, du moins pour le moment. Elle n’avait pas oublié ce qu’elle s’était dit tout à l’heure, et se promit qu’elle le lui rendrait un jour, d’une manière ou d’une autre.

Le remue-ménage que faisait Duck Hwan en farfouillant s’arrêta soudainement. En se tournant vers lui, elle put le voir s’afférer à sortir un carton de l’étagère, et reprendre ses recherches, un peu plus dans la hâte cette fois, comme s’il venait de faire une découverte capitale. Elle se pencha un instant sur le carton qu’il avait tiré et comprit vite la raison de son excitation : tout le nécessaire pour faire un minimum d’éclairage était là, sauf peut-être une source d’énergie. Elle l’aida à chercher les éléments manquants, mais à nouveau, il fut plus rapide.

Yeo Jin préféra laisser le garçon faire toutes ces manipulations. Si elle savait quel matériel était nécessaire pour faire un circuit simple, elle ne préférait pas s’y atteler, de peur de faire une bêtise. Et puis, l’observer était bien plus intéressant. Il s’était rapproché de l’ordinateur pour bénéficier d’un minimum de lumière et commença à bricoler. Elle trouva cela fou comment, dès qu’il était concentré, Lee Duck Hwan changeait du tout au tout. Son visage s’illuminait au fur et à mesure que des nouvelles loupiottes s’allumer.

Il les prit dans ses mains et les dissémina dans toute la pièce, sans remarquer qu’il en avait laissé une sur la table. Yeo Jin la posa sur une des étagères et se retourna vers Duck Hwan, qui observait la pièce, admiratif.

« C'est pas grand-chose mais on y voit un peu mieux. Ça fait ambiance de Noël ! »

Il était facilement impressionnable, visiblement. Elle balaya la pièce des yeux et sourit. Un Noël un peu spécial, dans ce cas. Avec pour invité principal Jack l’Eventreur, peut-être. Elle ne fit pourtant aucune remarque sur l’ambiance inquiétante que créent les loupiottes et se contenta de sourire. Au moins y voyaient-ils un peu plus clair.

Assis sur une chaise, il jeta un œil à l’ordinateur, peut-être pour y regarder l’heure. La jeune fille tira un tabouret de sous une étagère et l’approcha de la table pour s’y installer à son tour. Elle était un peu basse, sur ce tabouret, si bien que le bureau était presque à hauteur de ses épaules. Elle y posa son coude et cala son menton sur le dessus de sa main, ne sachant trop quoi dire. Duck Hwan semblait être dans la même situation, mais il finit tout de même par rompre le silence.

« Tu es étudiante ? Tu étudies quoi ? »

Basique, mais efficace. Au moins feraient-ils un peu plus connaissance. C’est vrai que mis à part le fait qu’il était très doué en codage, Yeo Jin ne savait pas grand-chose de lui.

« J’étudie au département d'astronomie, mais j’ai aussi une mineure. En photographie. »

Yeo Jin mentionnait rarement son enseignement mineur, pour la simple et bonne raison que la plupart du temps, les gens ne comprenaient pas quel était le rapport avec l'astronomie. Pourtant, cette mineure, elle l’adorait. Cela lui permettait, en l’espace de quelques clichés, de se vider la tête et de laisser parler sa curiosité, d’autant plus lorsque ses cours d'astrophysique ou de mathématiques commençaient à s'embrouiller.

Cependant, elle se sentit en confiance avec Duck Hwan. Elle sentait que lui n’allait pas juger ce choix, et n’eut aucune hésitation à lui en faire part.

Quant à l'astronomie, les étoiles et les astres l'avaient toujours fasciné. Elle adorait observer le ciel, chercher les noms des étoiles, et par curiosité encore, elle s'était toujours demandée ce qui pouvait bien se passer là-haut, ailleurs. Cette passion combinée à celle de la photographie, le ciel étoilé devenait souvent le thème de ses photographies, créant souvent des clichés remplis de magie.

« Et toi ? Tu dois faire de l’informatique pour être aussi doué, non ? A moins que tu ne sois en électricité ou électronique. » demanda-t-elle à son tour avec un petit sourire, jetant au passage un œil sur les loupiottes.

Loupiottes qui, elle ne put que le remarquer, éclairaient le visage du jeune homme et adoucissaient ses traits déjà enfantins. Cette situation n’était peut-être pas si horrible que ça, finalement.

S'il avait posé la question tout à fait au hasard et dans le but de ne pas laisser un silence gênant s'installer, l'intérêt de Duck Hwan fut grandement éveillé par la réponse que Yeo Jin avait donnée suite à son interrogation concernant son cursus scolaire.

« J’étudie au département d'astronomie, mais j’ai aussi une mineure. En photographie. »

Pour mille et unes raisons le voilà qui était en totale admiration. Duck Hwan avait toujours adoré l'astronomie et quand il était petit, il avait même rêvé de devenir astronaute pour pouvoir explorer l'espace de fond en comble. Malheureusement pour lui, il n'en avait pas les capacités et il s'était de toute façon vite découragé en réalisant les années d'études que cela prendrait, et surtout combien ce serait fatiguant.

Il se sentit un peu coupable de s'être fié aux apparences et d'avoir imaginé qu'elle puisse étudier une matière « ordinaire » comme une quelconque langue étrangère ou encore l'économie. Mais par cette révélation, elle l'avait surpris car elle semblait posséder en elle un trésor plus gros que ce que son attitude discrète ne laissait croire. En cela, Duck Hwan ne l'en trouva que plus séduisante encore.

« Je suis en informatique. » Répondit-il lorsque Yeo Jin essaya de deviner quelle était son unité d'enseignement majeure.

Supposer qu'il étudiait des sciences aussi complexes que l'électronique ou la robotique était flatteur, mais c'était largement au-dessus de ce qu'il était capable de faire. Ses connaissances étaient limitées et ne dépassaient pas le niveau lycée - et c'était déjà un miracle qu'il se soit souvenu de tout ça.

« J'suis pas assez doué pour l'électronique, je me brûle à chaque fois que j'utilise un fer à souder. » Finit-il par ajouter en haussant les épaules et en arborant une moue un peu déçue.

Il hésita avant de préciser sa mineure. Lui n'en avait choisi une que par défaut et non par passion, parce que rien d'autre à part l'informatique ne l'intéressait. Il s'agissait d'un cours très peu fréquenté - ce qui avait aussi orienté son choix sur cette option - et qui consistait en la fabrication d'objets artisanaux traditionnels. Il y apprenait entre autres comment construire de petits éventails à base de hanji, ce fameux papier traditionnel qui était utilisé tant de choses en Corée. Ou encore, on lui enseignait comment fabriquer de petits straps pour portables en utilisant une technique traditionnelle de couture et de nouage de noeuds.

Mais il devait bien admettre que, même s'il avait sélectionné cette matière par hasard et parce qu'elle paraissait moins ennuyante que les autres, il avait fini par y trouver un certain intérêt. Il y trouvait un côté relaxant et, à l'instar de l'informatique, c'était une des rares choses sur lesquelles il pouvait rester concentré et silencieux durant des heures. Et il était plutôt fier du résultat à chaque fois qu'il terminait l'objet sur lequel il travaillait, bien qu'il n'en ait aucune utilité après. Plusieurs fois il en avait offert à sa mère en guise de cadeau et ainsi pu économiser de l'argent pour les anniversaires ou les fêtes de Noël.

Finalement, il décida de ne pas en parler. Non pas parce qu'il n'avait pas confiance en Yeo Jin ou qu'il craignait qu'elle ne se moque de lui, mais parce que la mention à la photographie l'avait intrigué. Il eut un regard vers l'ordinateur et en déduisit ensuite :

« Tes photos sont dessus ? »

Puis il demanda un peu plus timidement :

« Est-ce que, euh... Est-ce que tu peux me les montrer ? Si tu es d'accord, hein ! »

Duck Hwan était réellement intéressé par le travail de Yeo Jin, il ne l'interrogeait pas uniquement parce qu'elle était mignonne et qu'il voulait gagner des points auprès d'elle. Certes, cela faisait partie de ses motivations mais ses intentions n'étaient pas hypocrites, loin de là. C'était Ducky, après tout, et il était incapable d'avoir d'arrières pensées.

Yeo Jin avait visé juste. Il était bel et bien en informatique, et il avait raison de suivre cette voie : étudier autre chose avec un tel talent ? Cela aurait été du gâchis.

« J’suis pas assez doué pour l’électronique, je me brûle à chaque fois que je touche un fer à souder » avait-il ajouté en haussant les épaules.

La petite moue qu’il arborait lui enlevait presque cinq ans d’âge. Yeo Jin le trouva – une fois encore – adorable et eut presque à se retenir de lui pincer les joues comme les grands-parents le faisaient souvent avec les enfants.

Elle se contenta de rire, amusée par sa remarque. Il devait peut-être bien maitriser un clavier d’ordinateur, mais il avait l’air tout de même bien maladroit.

Duck Hwan semblait perdu dans ses réflexions, mais finit par sortir de cette torpeur et jeta un œil à son ordinateur :

« Tes photos sont dessus ? »

Yeo Jin fut prise de court.

« Euh, oui … Pas toutes mais j’en ai quelques-unes, oui. »

« - Est-ce que, euh … Est-ce que tu peux me les montrer ? Si tu es d’accord, hein ! »

L’étudiante n’avait pas l’habitude d’être déstabilisée. Elle faisait en général tout pour être maître de la situation et de ses émotions. Mais rare étaient les personnes qui s’intéressaient réellement à ses passions. L’astronomie ? Trop compliqué à comprendre. La photographie ? La plupart des gens s’empressaient généralement de dire qu’eux aussi prenaient des photos avant de lui montrer leur compte Instagram remplis de selfies mal cadrés. Souvent, elle n’osait rien dire, se contentant de complimenter leur profil, et elle-même n’ayant pas la prétention d’avoir un excellent talent artistique. C’était peut-être même le seul domaine où elle doutait d’elle, n’ayant que son seul et humble avis comme critique pour s’améliorer. Bien sûr, il y avait aussi ses professeurs, mais elle n’avait jamais vraiment eu le ressenti de quelqu’un neutre, amateur sur le sujet.

En fait, Duck Hwan devait être une des premières personnes qui demandaient à voir ses photos. Et cela déstabilisait complètement Yeo Jin. Qu’allait-il penser ? Est-ce qu’il comprendrait ce qui se cache derrière certaines d’entre elles ? Remarquerait-il le travail qu’ont demandé tous ces clichés ?

La jeune femme ne dit rien et se contenta d’ouvrir son explorateur de fichiers. Elle ouvrit une succession de dossiers, avant d’atterrir dans celui qui contenait ses photos. Elle les classait minutieusement par date, et non par thème. Elle préférait ainsi, rangées par année, puis par mois dans un sous-dossier, mémorisant ainsi plus facilement quand elle les avait prises et quel évènement était rattaché à chaque photo.

Elle réfléchit un instant lesquelles en particulier elle pourrait lui montrer, et finit par choisir un mois de juillet. Les nuits dégagées de l’été étaient parfaites pour de meilleurs clichés.  

Elle ouvrit une première photo. Elle ne capturait pas forcément un astre en particulier, mais seulement la beauté des cieux surplombant des montagnes avec, en arrière-plan, la pollution lumineuse d’une ville, sûrement Séoul. Yeo Jin ne savait pas trop quoi dire : devait-elle donner des explications, ou seulement laisser le garçon contempler ?

Elle passa à une deuxième photo. Celle-ci nécessitait sûrement quelques petites remarques techniques, puisqu’elle visait une constellation précise. Yeo Jin pointa alors le ciel obscur sur l’écran, suivant du doigt une ligne d’étoiles plus scintillantes que d’autres.

« Regarde, là, on peut voir la constellation d’Orion, c’est la plus ancienne observée par l’homme. »

Une troisième photo. Celle-là était une de ses préférées.

« On n’en voit qu’un petit bout parce qu’il y avait des arbres devant, mais là, c’est la galaxie d’Andromède. »

Elle en fit défiler ainsi plusieurs, et au fur et à mesure que les photos avançaient, elle prenait de plus en plus de temps dans ses explications, détaillant tantôt d’où venait le nom de cet astre, tantôt comment elle avait attendu plusieurs heures que Mars et Vénus soient parfaitement alignés pour pouvoir enfin appuyer sur le déclencheur.

Elle finit rapidement par se rendre compte de son emballement et s’interrompit, se grattant l’arrière de la tête, gênée.

« Désolée, je ne sais pas si tout ça t’intéresse vraiment … Et puis je parle beaucoup, mais tu ne m'as pas dit grand chose sur toi ! Il y a des choses qui te plaisent à part l’informatique ? »

C’était maladroit, mais que pouvait-elle bien demander d’autre ? Au moins, cela faisait passer le temps, et elle n'avait pas cet air bête et niais qu'elle arborait quand elle parlait de ses photos.

Duck Hwan remarqua l'appréhension qui venait de transparaître sur le visage de Yeo Jin, après qu'il lui a demandé s'il pouvait jeter un oeil sur son travail. Instantanément, il se sentit coupable de l'avoir mise mal à l'aise et s'apprêta à lui dire d'oublier tout ça quand elle finit par accepter à son grand étonnement. Alors, en silence, il l'observa parcourir différents dossiers contenus dans son ordinateur et soigneusement classés. Tout était si bien ordonné qu'il en fut impressionné ; lui-même était tellement négligent que ses fichiers étaient tous en pagaille sur le bureau de son ordinateur, tous superposés les uns sur les autres et n'étaient même pas renommés. Leurs titres étaient encore bruts et comportaient tout un tas de symboles et de chiffres. Il n'y avait aucune chance qu'il retrouve une photo ou un texte en particulier s'il décidait d'en chercher un.

La mise en abîme de dossiers n'en finissait pas, et étrangement il y avait là un côté presque hypnotisant. Le dernier dossier qu'elle finit par ouvrir dévoila plusieurs petits rectangles de couleur sombre qui laissaient deviner des clichés de ciels étoilés. Et quand Yeo Jin en sélectionna une précise, il put constater que c'était justement ce dont il s'agissait.

Après une brève hésitation, la jeune fille brisa le silence et se lança dans des explications qui accompagnaient chaque cliché qu'elle lui montrait. Duck Hwan l'écoutait en silence, à la fois captivé et docilement attentif à ce qu'elle disait. Il ne pouvait dire s'il était envoûté par les magnifiques photographies qui avaient pour thème un sujet qui le passionnait, ou bien s'il l'était par Yeo Jin elle-même. Peut-être était-ce un peu des deux.

Il ne savait pas depuis combien de temps ils étaient enfermés dans cette salle à regarder défiler les photos une par une, chacune ayant sa propre histoire. Dans la pénombre et avec pour seul éclairage les lampes d'infortune que Duck Hwan avait fabriquée juste avant, cela donnait presque une ambiance de planétarium improvisé. Sauf qu'ils n'observaient pas les astres en direct.

« Ca aurait été bête de tout perdre à cause d'un virus. » Murmura-t-il pour lui-même, comme s'il pensait à haute voix.

A l'idée qu'il puisse être en quelque sorte le sauveur de tout ce beau travail, il finit par éprouver une pointe de fierté et ne put retenir un petit sourire satisfait.

Yeo Jin s'était soudainement interrompue sans qu'il ne comprenne pourquoi. C'était comme si sa petite bulle venait d'éclater et qu'il redescendait sur terre.

« Désolée, je ne sais pas si tout ça t’intéresse vraiment … Et puis je parle beaucoup, mais tu ne m'as pas dit grand chose sur toi ! Il y a des choses qui te plaisent à part l’informatique ? »

Duck Hwan eut une petite moue embarrassée. A vrai dire, il appréciait aussi qu'elle s'extasie et s'emballe dans ses explications pour ne pas avoir lui à parler. Il avait peur de se montrer trop maladroit et de dire quelque chose qui risquerait de la faire fuir.

Devait-il parler de sa matière mineure ? Pouvait-il en parler ? Mais s'il commençait à aborder le sujet, il pouvait parier que Yeo Jin trouverait un moyen de sortir immédiatement de la pièce, et ce même si ils étaient enfermés à double tour. Non, clairement ce n'était pas du tout une bonne idée d'engager une conversation là-dessus. Du moins, pas dès la première rencontre. Il fallait qu'il se valorise du mieux qu'il pouvait, et évoquer un intérêt pour les arts traditionnels ne faisait pas partie de la liste.

« J'aime bien l'astronomie aussi. Enfin, je m'y connais pas autant que toi mais quand j'étais petit, je voulais aller dans l'espace ! »

En dehors de ça, il n'avait pas beaucoup d'autres centres d'intérêt. Il avait d'ailleurs un peu honte de l'avouer car il avait l'impression que lui-même perdrait en intérêt aux yeux de Yeo Jin. Il voulut d'ailleurs cacher le petit strap qu'il avait confectionné mais, dans sa maladresse, il le fit tomber et l'objet glissa jusque devant la porte de la salle. Duck Hwan se leva alors précipitamment pour aller le récupérer.

Il se pencha pour le ramasser et, en se redressant, il manqua de perdre son équilibre et se rattrapa à la première chose qui lui passa sous la main : la poignée de la porte... Qui s'abaissa sans difficulté et permit ainsi d'ouvrir la salle qu'ils pensaient fermée à clé depuis le début. Et qui ne l'était pas.

Duck Hwan semblait hésitant. Comme s’il n’osait pas tout dire. Comme s’il avait honte. Pourtant, aux yeux de Yeo Jin, il n’y avait aucune honte à avoir. C’était un garçon tout à fait gentil et agréable. Mais elle ne s’étonnait pas de cette réserve de sa part : il était tout à fait le type d’élève que les autres étudiants adoraient embêter, même si c’était fait de manière « gentille ». Alors, peut-être l’avait-on déjà embêté sur ce sujet, d’où son hésitation à lui en parler.

Pourtant, il se contenta de répondre :

« J'aime bien l'astronomie aussi. Enfin, je m'y connais pas autant que toi mais quand j'étais petit, je voulais aller dans l'espace ! »

Yeo Jin fronça les sourcils. Evidemment, cela lui faisait plaisir de savoir qu’ils pouvaient au moins avoir cela en commun. Mais elle avait toujours cette ferme intuition qu’il n’était pas totalement sincère avec elle.

Même « adulte », Yeo Jin avait toujours du mal à se débarrasser de sa naïveté enfantine. Elle avait toujours été persuadée que, lors d’une première rencontre, les deux partis étaient sincères l’un envers l’autre, qu’il n’y avait aucune raison de cacher quoi que ce soit. Evidemment, elle n’attendait pas d’un inconnu qu’il lui raconte tous ses secrets. Non, cela serait même déraisonnable. Mais tout de même, qui cachait ce genre de petits détails ? En réalité, elle avait fini par comprendre que la sincérité était quelque chose devenu rare depuis l’apparition des télécommandes. Tout reposait désormais sur l’apparence, la belle façade des choses. Et surtout, que les gens mentaient. Mentir pour se cacher. Mentir pour sauver les apparences. Mentir pour avoir une meilleure note.

Etait-ce pour ça que Duck Hwan semblait ne pas tout dire ? Avait-il quelque chose à cacher, quelque chose qui pourrait potentiellement lui déplaire et faire baisser sa note ?


En le rencontrant, elle avait seulement regardé son nom, sans même prendre le temps de jeter un œil à sa note. Alors, lorsque le garçon – décidemment très maladroit – sembla faire tomber quelque chose, elle profita de son inattention pour fouiller rapidement dans son sac et consulter sa télécommande.

3.14

Yeo Jin ne put réprimer un sourire en voyant la constante d’Archimède s’afficher. Cette note n’était pas forcément mauvaise. Même pas du tout. Pour elle, c’était en dessous de 3 que les choses se corsaient. Mais 3.14 ? C’était relativement décent.

Ce jeune homme était un mystère. Il l'intriguait réellement, et la fascinait tout autant. En fait, il lui rappelait quelqu'un, mais elle ne sut dire qui.

Un bruit métallique la sortit de ses pensées. Avait-elle bien entendu ? Les yeux écarquillés, elle releva la tête, tombant sur un Lee Duck Hwan dubitatif, fixant la poignée baissée dans sa main. Sous la confusion, Yeo Jin n’arriva qu’à bredouiller quelques mots et à lever son doigt vers la porte, son regard passant de l’ouverture au jeune homme.

« C-comment t’as fait ça ?! »

Elle ramassa rapidement toutes ses affaires, se leva du tabouret qu’elle remit sous son étagère et trottina jusqu’à lui.

Soit il avait des pouvoirs magiques et était aussi doué pour l’évasion que pour le codage, et dans ce cas, Yeo Jin ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas fait preuve de ses talents plus tôt. Soit ils croyaient être enfermés ici depuis le début, alors qu’ils ne l’étaient pas.

Elle se gifla intérieurement, mais ne put s’empêcher de rire de soulagement. Certes, c’était rocambolesque, toute cette histoire. Mais au moins, ils étaient libres de sortir maintenant – même s’ils l’étaient probablement depuis le début.

Comme un geste de désespoir, elle posa sa main sur celle de Duck Hwan pour ouvrir la porte en grand et sortir enfin de cette salle.

« Je suis désolée de t’avoir attiré dans tout ça, c’était pas vraiment prévu, mais c’était cool de faire ta connaissance ! J’espère que tu ne m’en veux pas de t’avoir retenu aussi longtemps. »

Elle se gratta l’arrière de la tête une nouvelle fois, et tint à rajouter :

« Et je maintiens ce que je t’ai dit tout à l’heure ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas à me demander. Je te dois bien ça, après ce que tu as fait pour moi. »

Elle brandit fièrement la sacoche de son ordinateur avec un grand sourire, puis passa la bandoulière sur son épaule.

D’une main, elle empoigna sa télécommande. De l’autre, elle tendit sa main en direction de Duck Hwan et lui fit son sourire le plus sincère :

« Ce fut un plaisir de t’avoir rencontré, Lee Duck Hwan. J’espère qu’on pourra se revoir très vite. »

Il fallut au moins dix bonnes secondes à Duck Hwan pour réaliser qu’ils avaient paniqué pour rien. Avaient-ils au moins essayé d’ouvrir la porte, pour commencer ? En y réfléchissant, ils avaient tout simplement supposé que c’était le cas et n’avaient même pas pensé à vérifier. L’extinction de la lumière, qui les avait ainsi plongé dans le noir, avait fait office de diversion, si bien qu’ils s’étaient d’abord concentré sur la recherche d’une source lumineuse.

« Comment t’as fait ça ?! » N’en revenait pas Yeo Jin.

S’il avait pu trouver une réponse qui ne le fasse pas passer pour un demeuré, il lui aurait donnée avec joie. Mais qu’aurait-il pu dire d’autre que « C’était ouvert depuis le début » ? C’aurait été tellement plus classe de vanter un quelconque talent de trafiqueur de serrure et de roi de l’évasion ! Pour le coup, il préféra ne rien dire tandis que la jeune fille avait rassemblé toutes ses affaires pour se précipiter à l’extérieur.

Il tiqua un peu devant son enthousiasme, car il avait l’impression qu’être resté enfermée avec lui avait été synonyme de calvaire et qu’elle n’avait attendu qu’une seule chose : être enfin libérée. Alors oui, la situation avait été stressante au début, mais il y avait eu comme une sorte de magie qui avait opéré entre eux. Du moins, c’était ce que l’esprit fantaisiste de Duck Hwan avait fabulé. Il s’était senti bien, avec elle.

Mais quand il entendit son rire soulagé, et plus encore lorsqu’elle posa sa main sur la sienne, il se sentit défaillir. Elle était adorable.

Il récupéra donc son sac à dos et sortit à son tour, un peu ébloui par la lumière du jour qui faiblissait malgré tout au vu de l’heure tardive. Et quand il rejoignit Yeo Jin, il ne comprit pas pourquoi elle s’excusa pour ce qui s’était passé. Après tout, ce n’était pas sa faute si des camarades de classe un peu lourds avaient trouvé amusant de refermer la porte derrière eux pour leur ficher la trouille. Et puis, ce n’était pas la première fois que cela lui arrivait à lui. Alors, en vérité, c’était peut-être même à Duck Hwan de s’excuser pour lui avoir attiré des ennuis, lui qui était souvent sujet de taquineries du fait de son côté marginal.

Il s’apprêtait d’ailleurs à réfuter ses paroles quand elle ajouta :

« Et je maintiens ce que je t’ai dit tout à l’heure ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas à me demander. Je te dois bien ça, après ce que tu as fait pour moi. »

Il secoua la tête pour signifier qu’il n’avait besoin de rien. De toute façon, jamais il n’oserait l’aborder de nouveau s’il la croisait dans les couloirs, même s’il en mourrait certainement d’envie.

« C’était trois fois rien. »

Il avait tenu à paraître détaché pour lui faire comprendre qu’elle n’avait aucune dette envers lui. Même s’il y réfléchissait, il ne voyait pas en quoi elle pourrait l’aider : il était un cas un peu désespéré.

« Ce fut un plaisir de t’avoir rencontré, Lee Duck Hwan. J’espère qu’on pourra se revoir très vite. »

Au vu du sourire que Yeo Jin lui adressait, Duck Hwan espéra que ses mots étaient sincères. A vrai dire, il en douta un peu : faire sa rencontre était en général l’antonyme d’un « plaisir ». Elle tendit ensuite la main dans sa direction en guise d’au revoir, et il la serra timidement en retour. Il remarqua qu’elle avait ensuite empoigné sa télécommande pour lui attribuer une note. Il ne sut pas directement laquelle, car il fallut attendre qu’ils s’éloignent l’un de l’autre et partent chacun de leur côté pour qu’il ne fouille l’intérieur de son sac afin d’y récupérer sa propre télécommande.

Ses yeux s’écarquillèrent en voyant le nombre à double chiffre qui s’afficha. La dernière fois que quelqu’un lui avait attribué une telle note, c’était à la fin de ses retrouvailles mouvementées avec sa sœur Ae Ran. Lui mettait rarement des notes aussi élevées. Et même s’il appréciait Yeo Jin, il se préoccupa surtout d’arrondir sa note car c’était en général quelque chose qui le chiffonnait. Il n’aimait pas qu’une note se termine par un 2 ou un 7 par exemple. Alors à chaque fois qu’il en avait l’occasion, il faisait juste en sorte d’arrondir à l’unité ou la demi-unité.

Mais une chose était sûre, Kwon Yeo Jin ne l’avait pas laissé indifférent. Et quand il rentra le soir chez lui, il en oublia presque que son estomac criait famine.