[TERMINÉ] I Don't Know Why I See Myself In You ♠ Son Hwa Min | Lee Duck Hwan

Cette semaine était une semaine spéciale à l'université. L'administration avait décidé d'organiser plusieurs séminaires ainsi que des ateliers interactifs qui permettraient d'aider les étudiants à avoir une idée plus précise de leur avenir. Aussi, des professionnels de tous domaines confondus s'étaient regroupés pour répondre aux questions des élèves qui n'avaient pas encore décidé du métier qu'ils exerceraient plus tard.

Duck Hwan, lui, savait à peu près ce qu'il allait faire. Il trouverait sûrement un travail modeste en tant qu'informaticien ou peut-être, avec un peu de chance, pourrait-il faire partie d'une entreprise spécialisée dans la création de nouveaux logiciels et nouvelles applications. Ou en jeux vidéos. Les possibilités ne manquaient pas, aussi avait-il choisi de laisser faire le hasard à ce niveau-là. Il n'avait pas de grandes ambitions, et se contenterait d'un boulot qui lui permettrait de subvenir à ses besoins sans avoir à fournir trop d'efforts. Il gardait là inconsciemment la même philosophie qu'il tenait avec le système de notation imposé par la Sunrise Corporation. C'était ainsi qu'il menait sa vie, de toute façon. Il se laissait simplement bercer par le cours des choses.

Mais puisque ses amis n'avaient pas encore d'idée fixe sur le type de métier auquel ils souhaiteraient se dévouer, ils l'avaient abandonné là, parmi les stands, livré à lui-même et sans savoir quoi faire. Peut-être était-ce aussi un prétexte pour ne pas rester avec lui. Bon, ces derniers temps il l'avait mérité : à force de trop se servir d'eux en guise de cobayes pour ses expériences de piratage informatique, il avait fini par les faire doucement fuir. Mais s'ils ne l'aidaient pas dans ses tentatives, vers qui pourrait-il se tourner ? S'il se servait de simples passants, il pourrait très vite se faire repérer et être poursuivi par les autorités.  

Donc, Duck Hwan était là, errant au beau milieu des allées en se demandant ce qu'il allait bien pouvoir faire de sa journée. Parce que, bien évidemment, la participation à ces ateliers était obligatoire. La faculté remarquerait bien vite ceux qui tenteraient de sécher, et ne se priverait pas pour leur coller un rapport et une mauvaise note. Et ça, il y en avait bien un qui s'en passerait bien.

Autour de lui, les autres étudiants étaient réunis en groupes d'amis mais il remarqua qu'étrangement rien de ce qu'ils renvoyaient n'avait l'air naturel. Il ne comprenait pas pourquoi tout le monde faisait toujours semblant : ça devait demander tellement d'efforts au quotidien... En plus, qu'est-ce qu'ils y gagnaient ? Ils n'avaient même pas l'air heureux.

Malgré lui, Duck Hwan lâcha un soupir marquant son ennui et sa lassitude. Vraiment, qu'allait-il faire de sa journée ?

Près de lui, une jeune femme attira son attention, non seulement parce qu'elle était très jolie mais surtout parce qu'elle agissait bizarrement. Elle avait l'air de vouloir lui adresser la parole mais sans oser s'approcher de lui. D'ordinaire, c'était plutôt la situation inverse : lui qui était si timide et empoté avec les filles ne trouvait jamais le courage de les aborder pour entamer ne serait-ce qu'une simple discussion.

Finalement, elle avait fini par se présenter devant lui en lui demandant :

« Dis-moi, tu m'as l'air un peu perdu, non ? »

Duck Hwan eut une petite moue imperceptible suite à sa question. Pourquoi tout le monde s'inquiétait toujours de savoir s'il s'était perdu ? Il avait interrogé un de ses amis une fois, et celui-ci avait répondu que c'était à cause de son air ahuri et un peu paumé. Mais qu'est-ce qu'il pouvait y faire, c'était juste son visage au naturel.

Il secoua la tête en signe de négation avant de répondre :

« Je m'ennuie juste. J'attends que mes copains reviennent après avoir fini leur tour. Enfin, s'ils reviennent me chercher.  »

Puis, un peu plus timidement car impressionné d'être en train de parler à une si jolie fille, il se gratta l'arrière de la tête avant de demander :

« Et, euh... Et toi, tu t'es perdue ? »

L'idée qu'il puisse s'agir d'une professeure, même remplaçante, et non d'une étudiante au même titre lui ne lui avait même pas traversé l'esprit.

La jeune femme répondit à Duck Hwan qu'elle n'était pas non plus perdue mais qu'elle devait très certainement s'ennuyer autant que lui. S'ennuyait-il ? La réponse était sûrement oui. En vérité, il ne s'était pas posé la question jusqu'à maintenant.

Mais il y eut un mot dans sa phrase qui capta son attention et le fit paniquer instantanément. Une prof ? Il se serait adressé à un professeur sans marquer la politesse ? Mince alors, c'était bien la dernière chose à laquelle il s'attendait : en apparence, elle était beaucoup trop jeune pour... Enfin, les enseignants n'étaient-ils pas censé être tous vieux, barbants et aigris ?

« Moi qui pensais que c'était malpoli de tutoyer un professeur même lorsque ce n'est pas le sien haha. »

Ah, visiblement malgré son attitude décontractée, elle n'avait sûrement pas aimé qu'il s'adresse à elle de façon aussi nonchalante. Sur ces reproches masqués, il piqua un fard et se gratta la nuque d'un air terriblement gêné. Lui qui n'était déjà pas apprécié de ses professeurs attitré à cause de son manque de rigueur et de concentration, il ne manquait plus qu'il se mette à dos un professeur qui n'était même pas le sien !

« Comment t'appelles-tu ? »

Zut, elle lui demandait certainement son nom pour lui coller un rapport. Quel idiot, si seulement il avait prêté attention à la liste des professeurs en charge des ateliers, affichée un peu partout dans l'université. Cela lui aurait certainement évité de se retrouver dans une situation pareille. Mais au point où il en était, c'était trop tard pour lui : il ne pouvait plus faire marche arrière. Et s'il déclinait une fausse identité, la professeure pourrait instantanément vérifier qu'il s'agissait d'un mensonge en jetant un coup d'oeil à sa télécommande.

« L-Lee Duck Hwan. » Répondit-il d'un air mal assuré, le regard fuyant et honteux.

Puis, il fut déstabilisé par le sourire qu'elle lui adressa ensuite. Elle n'avait pas l'air malveillante, aussi ne comprenait-il pas très bien s'il allait être puni pour son impolitesse, ou si elle allait passer l'éponge pour cette fois. D'ailleurs, mieux valait retenir son nom et son visage au cas où il la croise de nouveau à l'avenir, pour ne pas répéter la même erreur.

« Et, euh... Vous êtes ? »

Puisqu'elle ne faisait pas partie du pôle informatique, peut-être était-elle professeur d'économie, ou bien de langue ? Mais dans tous les cas, il ne connaissait pas les noms de professeurs qui ne lui enseignaient aucun module. Déjà qu'il retenait tant bien que mal les noms de ses propres professeurs...

Par la suite, elle lui demanda s'il n'avait trouvé aucun intérêt dans les ateliers, ce à quoi il répondit par une signe de tête négatif. Et alors qu'elle lui demandait ce qu'il comptait faire et qu'il s'apprêtait à lui répondre, la jeune femme supposa à tort et d'un air dédaigneux qu'il désirait sûrement intégrer la Sunrise Corporation. Ce fut au tour de Duck Hwan d'afficher un air offensé à l'idée que l'on puisse croire qu'il désirait faire partie de l'Elite.

Il secoua de nouveau vivement la tête pour la contredire :

« Pas la Sunrise Corp. ! »

Puis en se rendant compte qu'il avait peut-être haussé un peu trop la voix, il eut un regard inquiet autour de lui avant de reprendre plus doucement :

« La Sunrise, je veux bien admettre qu'ils sont très forts pour tout ce qui est technologique et moi, ça me passionne. Mais si je bosse pour eux, ça veut dire que je devrais faire attention à tout ce que je dis ou tout ce que je fais. Et puis, ça voudrait aussi dire que je devrais faire des efforts pour avoir une note élevée et encore plus pour qu'elle le reste. »

Il soupira et se retrouva épuisé rien qu'à l'idée de devoir fournir tout ces efforts éprouvants.

« Moi, je veux juste vivre tranquillement, sans pression et sans avoir à me justifier. »

Duck Hwan avait une vision de la vie et une philosophie très simplistes. Et ce depuis qu'il était tout petit.

Ainsi donc, cette professeure se nommait Son Hwa Min. Duck Hwan le répéta en boucle dans son esprit afin de le mémoriser à long terme. Sans savoir d'où lui venait cette intuition, il était certain qu'il valait mieux pour lui s'en souvenir, car il risquerait de la recroiser souvent à l'avenir. Et le pauvre était loin d'avoir une excellente mémoire, alors c'était pour l'instant le seul moyen qu'il avait trouvé pour se rappeler le nom des gens qu'il rencontrait.

Certes, il pourrait très bien se contenter d'un simple coup d'oeil à sa télécommande pour connaître instantanément l'identité de la personne qu'il avait en face de lui. Mais ce n'était pas un réflexe qu'il avait contrairement aux Séoulites purs et durs, ceux qui avaient connu cette technologie depuis leur naissance. La plupart du temps, l'objet électronique restait négligemment abandonné au fond de son sac, entre deux casse-croûte qu'il gardait pour en guise d'encas. Et puis, sa mère lui avait toujours dit que ce n'était pas poli de ne pas s'adresser directement à son interlocuteur.

Les seules fois où il se servait de cette télécommande, c'était pour attribuer une note à quelqu'un parce qu'il n'avait pas le choix. S'il ne participait pas, des agents de la Sunrise Corp. viendraient en personne le trouver pour lui donner un avertissement, ou même une sanction. Il avait déjà croisé des gens dans la rue qui avaient voulu s'opposer au Système et ne pas noter ceux qui les entouraient, mais cela s'était retourné contre eux. Ils avaient été victimes de pénalités qui consistaient à doubler les notes négatives ou à diviser les notes positives reçues. Et ce n'était qu'un exemple parmi tant d'autres.    

Quand il s'était inquiété d'avoir haussé le ton en réfutant l'hypothèse de vouloir intégrer la Sunrise Corporation, Hwa Min lui avait répondu qu'il n'avait pas à se faire de souci car elle n'allait pas le sanctionner. En réalité, ce n'était pas le fait d'avoir parlé trop fort qui l'avait alarmé : c'était le fait d'avoir failli renier publiquement la magnifique et prestigieuse entreprise qui régissait la ville de Seoul. Si on l'avait entendu, il aurait pu être dénoncé et avoir des ennuis. Peut-être même qu'il aurait été envoyé dans un stage de sensibilisation pour qu'on le martèle d'images de propagande.

Par contre, il avait un peu tiqué quand Hwa Min avait réfuté le talent des ingénieurs qui travaillaient pour la Sunrise Corp. et qui concevaient toutes sortes de logiciels. D'accord, leur fin en soi était discutable et ne plaisait pas à tout le monde, mais Duck Hwan ne pouvait qu'admirer avec quelle complexité et quelle technique incroyable ils étaient conçus.

« Personnellement, je les trouve idiots de vouloir imposé leurs normes à la société. Après tout, une société n'est-elle par meilleure dû aux différences de ses citoyens ? Là, on a quasiment l'impression d'avoir des clones face à soi. »

Machinalement, il suivit son geste du regard et ses yeux se posèrent sur les étudiants qui passaient à côté de lui. Jusque là, il n'avait jamais vraiment su dire en quoi il s'était toujours senti gêné en leur présence. Mais maintenant que Hwa Min mettait le doigt dessus, il comprenait : tous ces gens lui paraissaient vides. Même s'ils avaient le désir de briller de mille feux dans la société, extérieurement se reflétait leur frustration d'être oppressés et de ne pas pouvoir exprimer qui ils étaient. Pour certains, cela se retranscrivait par de la colère et ceux-là s'opposaient au Système. Mais pour d'autres, ceux qui ne parvenaient pas ou ne voulaient pas se démarquer, cela faisait d'eux des fantômes.

En réalisant cela, Duck Hwan ne put réprimer un frisson. La Sunrise Corp. était peut-être plus dangereuse qu'il le pensait, en fin de compte.

« M'dame, vous avez pas peur qu'il vous arrive quelque chose si quelqu'un vous entend critiquer Sunrise ? Parce que moi, ça me fiche la trouille en vrai. »

Il n'avait jamais vraiment compris l'intérêt de noter des gens et de les discriminer par la suite en organisant la société selon différentes classes et quartiers bien distincts. Mais ce dont il était sûr, c'était qu'il ne voulait pas finir sa vie dans les bas quartiers à trimer pour regagner un semblant de routine normale.

« Alors comme ça, la technologie te passionne ? C'est intéressant haha, et dire que moi, je suis totalement une brêle à ce niveau-là. J'y comprends tellement rien que j'ai toujours peur de chopper des virus et de perdre tout mon travail. »

Malgré lui, il eut un petit rire à la fois timide et amusé. C'était cocasse, ils devaient avoir seulement quelques années d'écart mais Hwa Min parlait un peu comme une vieille. Ou plutôt, comme une prof', vu qu'elle en était une.

« J'suis pas très doué pour le reste. Les autres disent que je suis un peu lent à la détente, mais j'ai quand même de meilleures notes qu'eux ! » Enonça-t-il tout fier de lui.

Puis, il observa un peu plus attentivement la jeune femme en face de lui et tenta de deviner quelle matière elle pouvait enseigner, en vain.

« C'est la première fois que je vous vois, donc vous êtes pas prof' d'informatique. Vous enseignez quoi, exactement ? »

Il aurait très bien pu deviner que Hwa Min enseignait une matière qui amenait à la réflexion, au vu des remarques pertinentes qu'elle lui avait adressées. Mais pour Duck Hwan, tous les discours de professeurs se ressemblaient et sa réflexion n'allait pas plus loin.

Intérieurement, Duck Hwan remercia Hwa Min pour les compliments qu'elle lui faisait. Parce qu'il s'agissait bien de compliments, pas vrai ? Il avait tellement peu l'habitude d'en recevoir qu'il ne savait jamais s'ils lui étaient réellement destinés ou bien si ce n'était que du sarcasme. Mais il n'avait pas décelé la moindre méchanceté dans le ton de la professeure. Les paroles qu'elle lui avaient adressées avaient eu le mérite de lui redonner un peu confiance en lui, et un petit sourire à la fois gêné et satisfait venait trahir sa pensée.

En même temps, il ressentit une pointe d'admiration à l'idée que cette femme ne craignait ni la Sunrise Corporation, ni la Mort elle-même. Peut-être que ce n'était que des grands mots, comme parfois certains de ses camarades avaient l'habitude de lancer au hasard juste pour prouver qu'ils étaient forts et sans craintes. Mais chez Hwa Min, il sentait que ce n'était pas que du bluff. Et ça l'impressionnait, car lui avait peur de tout même de son ombre. Le changement l'effrayait. L'inconnu l'épouvantait. Et la solitude, même s'il s'y accoutumait, l'incommodait.

Alors, en réponse à tout ce qu'elle venait de lui dire, il ne put que souffler un « Merci. » incertain mais sincèrement reconnaissant.

Quand Hwa Min lui apprit qu'elle était professeur-stagiaire en philosophie, cela ne l'étonna pas. La façon dont elle s'exprimait, les propos qu'elle tenait, même Duck Hwan pouvait comprendre qu'elle avait les capacités pour enseigner une telle matière. Et son statut de stagiaire expliquait donc pourquoi elle avait l'air si jeune pour déjà avoir un tel poste. Même si elle disait être encore en pleine phase d'apprentissage, elle avait l'air d'être faite pour ça. Il avait l'impression de trouver en elle la même passion qu'il pouvait ressentir lorsqu'il parlait d'informatique.

« La philosophie, c'est trop compliqué pour moi. Mais vous serez sûrement une bonne prof', parce que quand vous me parlez je comprends tout ce que vous dites ! »

Puis, quand elle lui proposa de lui apporter son aide dans le cas où, par miracle il venait à se découvrir une véritable passion pour la philosophie, Duck Hwan sembla hésiter et reconsidéra sa proposition avant de répondre :

« Si vous me donnez des cours, je vais m'y perdre. Mes profs me reprochent toujours de pas être assez concentré pour tout ce qui est théorique. Mais si vous m'expliquez de cette façon, tout est plus clair. »

Puis il ajouta dans un petit sourire timide :

« Alors, si vous voulez bien ne pas donner de cours magistral mais juste discuter comme maintenant, moi je suis d'accord ! »

Il fut lui-même surpris par l'effronterie de sa phrase, lui qui était bien loin d'être du genre à inviter les autres, ne serait-ce que pour l'accompagner à la bibliothèque pour emprunter un livre quand il n'avait pas le choix. En réalité, la bibliothèque était un lieu qui l'incommodait de par ce silence assourdissant qui y régnait. Il avait l'impression qu'à la moindre maladresse, au moindre bruit, il se ferait automatiquement gronder.

Mais là n'était pas la question. Il venait d'accepter de s'ouvrir à quelqu'un. Et il acceptait aussi de lui accorder de son temps et de sa personne, lui qui en était si avare et qui craignait les interactions sociales, d'autant plus avec des gens qu'il ne connaissait pas. Mais aucun doute là-dessus : Hwa Min l'intriguait par sa façon de penser et son intrépidité. Il sentait qu'il pouvait lui faire confiance et avait même l'impression d'enfin trouver un point de repère parmi cet vaste océan qu'était l'université.

De nombreuses questions concernant le jeune passionné de technologie trottaient dans ma tête, pourquoi lui avait l'air plus vivant que les personnes autour de nous ? Si il ne se conformait pas alors pourquoi il se résignait à suivre le mouvement ? Est-ce qu'il avait peur des répercussions qui pouvait tomber sur lui ou c'était celles sur sa famille qui l'inquiétait vraiment ?

Sa voix finit par me sortir de mes pensées, et mon regard, en tant normal plutôt félin, donne l'impression d'avoir de la sympathie. Peut-être que c'est le cas dans le fond ?

Les quelques mots qu'il venait de m'adresser avait le mérite de m'avoir touché en plein cœur, sûrement parce que c'était bien la première fois qu'un élève puisse penser que je pourrais devenir une bonne professeur. J'avais pour habitude d'entendre qu'avec une note comme la mienne, j'aurais mieux fait de me réorienter dans un autre secteur que le professorat. Un sourire bienveillant avait finit par prendre possession de mes lèvres.

«Mais vous serez sûrement une bonne prof', parce que quand vous me parlez je comprends tout ce que vous dites ! »

Pour une fois, je comprends pourquoi j'ai toujours voulu enseigner aux autres. Voir que je peux être utile à quelqu'un d'une certaine manière, ça me fait plaisir car je peux voir que mes efforts ne sont pas vains. Pouvoir éviter à quelqu'un de faire les mêmes erreurs que moi, et d'ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure, c'est ça que je veux vraiment.

Je finis donc par faire un pas vers lui, hésitant quelques secondes avant de lui ébouriffer légèrement les cheveux. Il avait l'air de me faire confiance vu comment il me propose la chose, le fait qu'il puisse prendre des initiatives me fait penser qu'il n'est pas aussi coincé que je ne l'aurais pensé.

J'ai comme une intuition, le garçon face à moi me réserve bien des surprises, à première vue, il semble être un peu perdu voir même naïf mais derrière ça, il doit sûrement cacher plusieurs facettes de sa personnalité. Et je n'attends que de les voir une par une.

«Je suis toujours pour une discussion quand elle est intéressante alors si un jour tu veux parler, n'hésites pas à venir me trouver. Je traînes souvent dans le coin ou dans ma classe dans le département de sciences humaines. »

«Hwamin vient m'aider !»

Une voix se fit entendre un peu plus loin afin de me demander mon aide pour le département dont je m'occupe, je ne peux malheureusement pas refuser car je dois retourner vaquer à mes occupations. Après un léger signe de la main en direction du jeune homme, je finis par m'en aller.

«On se reverra une prochaine fois, Duck Hwan.»

Tout en m'éloignant, je finis par sortir discrètement l'objet de plastique qui m'énerve en temps normal, réfléchissant pour la première fois à la note que je pourrais accorder à cette nouvelle rencontre. J'ai pour habitude de donner des notes avoisinant le deux mais aujourd'hui est un jour où je ferais exception.

Après lui avoir dit sincèrement ce qu’il pensait au sujet de ses capacités à enseigner la philosophie – et même à enseigner tout court – Duck Hwan avait vu Hwa Min s’approcher doucement de lui pour lui ébouriffer gentiment les cheveux. Il eut un petit rire à la fois timide et amusé, attendri par cette attention. La dernière personne qui avait eu ce geste à son encontre était sa grande sœur Ae Ran, mais c’était il y avait bien des années, quand ils étaient encore proches. Quand ils étaient encore deux enfants qui se protégeaient l’un l’autre.

Et quand Hwa Min approuva sa suggestion de discuter ensemble dès qu’ils en auraient l’occasion, il n’aurait su dire pourquoi il se sentait si heureux. Enfin si, il le savait : c’était parce qu’elle devait certainement être une des rares personnes dans cette université à lui porter un sincère intérêt et à être venu le chercher alors qu’il se laissait doucement noyer dans cet océan de conformité.

Ils furent interrompus par un autre professeur qui sollicita l’aide de Hwa Min. Duck Hwan avait oublié pendant l’espace d’un instant qu’elle était également enseignante en ces lieux, et qu’elle n’était pas là pour passer le temps. Il lui retourna le signe de main qu’elle avait eu en guise d’au revoir, et alla s’asseoir sur un banc qui venait de se libérer, en attendant que ses amis reviennent le chercher.

En saisissant sa télécommande, il remarqua la note positive que lui avait attribuée Hwa Min, et examina la note de la jeune femme afin de se décider sur le nombre de points qu’il lui donnerait.

Pour lui, c’était toujours un casse-tête car il n’aimait pas donner la plus haute note, ou même une note supérieure à 5. Généralement, il faisait simplement en sorte d’arrondir la note des autres de façon à ce qu’un « 0 » ou un « 5 » s’affiche. Mais il voulait donner plus que 2 petits points à Hwa Min. Alors, après avoir compté et recompté pour être bien sûr de ne pas se tromper dans son calcul, il bidouilla sa télécommande et appuya sur le bouton de notation.